Les conséquences de la faillite de la politique étrangère de la Turquie
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Il y a encore quelques années la Turquie semblait avoir une mission à remplir dans sa région. La fin du système de Yalta, l’apparition d’un monde multipolaire, l’attaque terroriste du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, les difficultés de l’Occident à coexister avec l’islam, le réveil arabe, la frilosité de l’Union européenne, tous ces faits et développements ouvraient des perspectives devant elle.
Elle était propulsée et s’était propulsée au-devant de la scène comme un « modèle » possible pour la région. De par sa taille et sa position géographique, mais également ses liens historiques elle était appelée à jouer un rôle. Vigoureusement appuyée par sa relation avec l’Union européenne elle a su dans un premier temps à jouer en effet ce rôle. Etoile montante, elle était qualifiée de démocratie musulmane, enfin un modèle pour « ce monde musulman à la traîne de la civilisation ». Fort de cette complaisance, le gouvernement islamiste finit par devenir surconfiant sur ses capacités et commença à travailler un discours d’indépendance vis-à-vis ses alliances et liens occidentaux.
A partir de l’année 2005, immédiatement après avoir obtenu une décision ferme concernant le démarrage des négociations d’adhésion avec l’Union européenne, la politique étrangère de la Turquie prit une nouvelle direction. Le suivisme des grandes lignes de la politique étrangère de l’Occident, les Etats-Unis en tête et l’allégeance sans faille de l’époque de la Guerre Froide volèrent ainsi en éclats.
Inspirée par le conseiller du Premier ministre de l’époque Recep Tayyip Erdoğan, l’universitaire Ahmet Davutoğlu, devenu entretemps ministre des Affaires étrangères et plus tard Premier ministre, la nouvelle politique étrangère turque a fait couler beaucoup d’encre, en Europe, aux Etats-Unis, dans le Moyen-Orient. Les appréciations en revanche, sont souvent allées d’un extrême à l’autre et ont été teintées de manichéisme. D’un côté on était assourdi par les bravos couplés d’attributs fastidieux du genre « le Kissinger turc» pour désigner Davutoğlu, de l’autre s’étalait un scepticisme profond quant à la faisabilité des grands chantiers comme le néo-ottomanisme ou influencer les Frères Musulmans dans le monde arabe de façon à réintroduire la laïcité dans leur doctrine.
Le president de Turquie, Recep Tayyip Erdoğan. REUTERS/ Umit Bektas
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Aujourd’hui cette nouvelle politique étrangère est en faillite totale sur tous les plans. A tel point que l’on se demande s’il y a vraiment un pilote dans l’avion, tellement les voltefaces, contradictions, menaces, absurdités et invectives sont débités à profusion. Tentons de cerner les tenants et les aboutissants de cette politique en faillite afin de resituer la Turquie sur le plan international et de comprendre les dynamiques négatives que la faillite serait capable d’entraîner dans la région prise au sens large.
UNE POLITIQUE QUI ETAIT EN GESTATION
La Turquie, sans que l’on l'eût qualifiée ainsi, fut un satellite de l’Occident pendant la Guerre froide. Elle faisait partie du monde dit ‘libre’ et se trouvait ancrée stratégiquement, économiquement, politiquement et intellectuellement à l’Occident. Elle était liée de près ou de loin à toutes les institutions européennes de l’après-guerre : Conseil de l’Europe (1949), l’OTAN (1952), les Communautés européennes (1963) ainsi que l’OCDE et l’UEO. Ces alliances et liens perdurent. Mais de nouvelles relations font jour surtout depuis fin 2004 lorsque le gouvernement islamiste réussit à obtenir une date pour démarrer la phase finale du processus d’adhésion à l’Union européenne.
Dans les faits, un incident important marqua le début de la nouvelle politique. En mars 2003 lorsque l'administration Bush demande à Ankara d'autoriser le transit de ses troupes par le sol turc pour atteindre le nord de l'Irak, le gouvernement du Premier ministre Erdoğan obtempère. A la grande surprise de ce dernier et à la grande déception de l'establishment kémaliste ainsi que celle du gouvernement américain, toutefois à la grande joie de la rue arabe, le parlement rejette la motion gouvernementale. Avec un peu de recul on peut affirmer aujourd'hui que la réaction de la rue arabe relayée par les journaux fût un encouragement solide pour le gouvernement d’Erdoğan de s'engouffrer dans le Moyen-Orient.
Par la suite, la nouvelle politique extérieure se déploya réellement à partir de 2005 avec un coup d’éclat, inimaginable auparavant: la visite semi-officielle à Ankara du dirigeant de Hamas en exil à Damas, Khaled Mashal, une des bêtes noires d’Israël. Comme le montrent l’embarras provoqué par cette visite et les nombreuses explications fournies à cette occasion aux alliés de la Turquie, la nouvelle ère porte forcément les lourdeurs de la période précédente qui a duré pas moins d’un demi-siècle, de 1945 à 2005. Les maladresses que l’on continua à accumuler au cours de la période en cours, couplées avec les anciennes allégeances ont fait en sorte que la nouvelle politique développa sa gestation avec un manque patent de clarté, de valse hésitations et d’erreurs.
UNE POLITIQUE QUI ETAIT VOLONTARISTE ET AMBITIEUSE
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